Sur les brocantes du Pays de Sarrebourg, on peut parfois tomber sur une plaque émaillée, une chope, un bock portant le logo de la Brasserie de Sarrebourg. Ces objets deviennent rares et pour certains, les prix s’envolent. Mais les collectionneurs en raffolent.
Car la Brasserie de Sarrebourg, c’est toute une histoire, celle d’une époque où chaque commune importante de Moselle avait sa bière. Une identité forte qui s’est diluée au fur et à mesure des fermetures dans la deuxième partie du XXe siècle.
L’essor du Dauphin
Plusieurs petites brasseries existaient avant 1900. Mais la véritable histoire débute en 1820, à la création de la Brasserie du Dauphin par la famille Antoni. L’entreprise est implantée en plein cœur de ville, à l’angle des rues Gambetta et Erckmann-Chatrian. Un puits situé devant la salle de soutirage fournit l’eau de lavage et de nettoyage. L’eau utilisée pour les différentes opérations de brassage provient de la source de Saint-Quirin, jugée plus apte à la production d’une bière de qualité. La glace est prélevée dans l’étang de la brasserie situé en direction de Sarraltroff. Comme la culture du houblon est minime dans le cercle de Sarrebourg (à peine 17 ares à Phalsbourg), la brasserie se fournit en houblon alsacien.
L’explosion démographique des années 1870 a porté le nombre d’habitants de 3 000 à 9 000 vers 1900. Avec les constructions et l’implantation des unités militaires, la production de bière s’est développée pour répondre aux besoins de la population. Une quarantaine de tavernes existaient aux quatre coins de la ville.
En 1896, les Frères Lütz, qui avaient eu quelques ennuis avec la police à Metz, se mettent au vert à Sarrebourg et rachètent la brasserie qu’ils dotent de nouveaux bâtiments équipés des dernières techniques brassicoles et la renomment Brasserie Gebrüder Lutz. En 1905, la société anonyme de droit local Saarburger Brauerei gebrüder Lutz est florissante. Elle emploie 24 ouvriers et produit 20 000 hectolitres de bière.
Les guerres changent tout
Même si la brasserie sarrebourgeoise passe les affres des années de guerre sans trop de casse, la restitution de l’Alsace-Moselle à la France change tout. Du moins en matière administrative. L’ex-entreprise allemande est mise sous séquestre et passe sous contrôle de la Brasserie de Dombasle-sur-Meurthe. Le 6 mars 1924, elle est transformée en société anonyme de droit français. C’est à cette date qu’elle prend la dénomination de Brasserie de Sarrebourg. Elle affiche alors une capacité de production de 50 000 hectolitres et brasse 35 000 hectolitres.
En 1928, la brasserie occupe 70 ouvriers pour une capacité de production de 60 000 hectolitres. Les dividendes atteignent 12 %. À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, la brasserie possédait des entrepôts dans toute la France ainsi que dans les territoires d’outre-mer. La production annuelle se montait à 50 000 hectolitres.
En juin 1940, les troupes allemandes occupent Sarrebourg. La brasserie prend la raison sociale de Sarreburger Brauerei Aktiengesellschaft. Pour une fois de plus redevenir française à la Libération. Mais si la Première guerre mondiale n’avait pas réellement laissé de stigmates sur l’outil de production, le second conflit mondial a été plus destructeur. La brasserie est partiellement sinistrée et les dommages de guerre ne seront versés qu’en 1955, permettant enfin les travaux de restauration et de modernisation de l’établissement.
Fusion et déclin
Ce ne sera pas suffisant pour relever la tête. Dès 1965, le déclin s’amorce. En 1967, la brasserie fusionne avec celle de l’Espérance. Peine perdue. En 1970, malgré une capacité annuelle de 70 000 hectolitres, les marchés ne suivent plus et la Brasserie de Sarrebourg ferme ses portes. Laissés à l’abandon et délabrés, les bâtiments sont détruits en 1974 pour permettre la construction d’un supermarché. L’ancienne villa de la brasserie, la villa Weyerstein, et son parc ont été sauvegardés. La rue qui traverse le parking du supermarché a été nommée rue de l’Ancienne-Brasserie.
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